Nadya/Bertaux

sculpteure

Youssef Amghar
Écrivain, Photographe

Il a publié
"Il était parti dans la nuit"
"Le vieux palmier"
Aux Éditions L'Harmattan

> Youssef AMGHAR

Le vent tourne la page

 

Le faire est là. Il est vibrant en son dialogue intérieur. Il prend sa source dans la perle qui sourde. La matière plie, déplie, replie. Une matière de fils métalliques ajourés qui grise, bleuit, vire au transparent, s’assombrit comme une eau charriant de l’humus enchevêtré. Le geste dans un rythme cadencé transmet la vision, donne le mouvement, révèle le flux qui anime, le flot qui agit et crée la forme.
Le vent donne toujours le la dans un souffle plastique épuré et complexe où pleins et vides se conjuguent dans un dialogue nuancé. Dans les rehauts de son corps à corps avec la matière la fluidité de l’eau jaillit par touches dans ses gestes répétés. Le creuset s’enrichit, il y a comme un glissement nourri par la transparence des pièces et leur forme. Un glissement vers une voie qui chante encore « la larme du vent » mais comme une eau qui emporte jusqu'au tréfonds, jusqu’à la profonde respiration que provoquent les embruns.
Nous sommes au large et les vagues grises délient les notes de la création. Une torsade de fils s’égoutte comme un linge humide pour expulser une eau salvatrice, une eau qui lave, qui nourrit, et qui ouvre les pores pour un souffle nouveau.
Une voie en forme de goutte d’eau, en forme de point d’interrogation, en forme de spirale, une voie qui se forme au gré des vents et des vagues comme le tumbleweed s’appropriant la matière au hasard des rencontres.
Une eau mouvante nous emporte entre des espaces où le fluide côtoie le résistant, le transparent côtoie l’opaque, la nuance des couleurs côtoie la douceur des reflets. Un cheminement comme dans un jardin de plénitude où, livrés à la magie surprenante, nos âmes s’interrogent et nos pas s’allègent. La matière décrit sous nos yeux un chemin lyrique qui va chercher au fond de nous un territoire de silence, un territoire qui amplifie les questionnements.
L’eau reflète la présence au monde et le vent la porte dans des récits sensibles. Ces chemins proposés sont ceux de sa propre présence au monde, un dévoilement offert comme une fragrance. Le dévoilement d’une vie complexe comme toutes les vies mais singulière par son écho.
Et le vent tourne la page.

Youssef Amghar, 2014
Pour le catalogue de l'exposition "Les larmes du vent" Musée du Textile de Cholet